Nouvelles

27/4/2020

Les jeunes, le virus et la rue

La pandémie de la COVID-19 au Québec a mis en lumière des situations de grande précarité vécues par plusieurs : les personnes âgées, les femmes* victimes de violence, les personnes itinérantes, mais d’autres demeurent toujours dans l’ombre. C’est le cas des jeunes en difficulté qui vivent l’exclusion et la marginalité. Les Auberges du cœur du Québec les accueillent et partagent leur quotidien depuis plus de 40 ans.

Pour ces jeunes, la crise sanitaire est ressentie de plein fouet. Si pour plusieurs les mesures mises en place sont comprises et acceptées, pour d’autres c’est une punition injuste qui est vécue. La résignation passe mieux lorsqu’on a un toit et de la bouffe, mais sentir que l’on est puni.e pour quelque chose qu’on n’a pas fait, c’est plus difficile. Dans tous les cas, être contraint.e à rester dans une maison d’hébergement avec d’autres jeunes et des intervenant.e.s pratiquement 24 h par jour c’est aussi « vivre les bobos de tout le monde et ça peut devenir lourd ». Le sentiment de « condamné à la prison » est renforcé par la nécessité des équipes d’intervention de faire respecter les règles du confinement. Si l’anxiété et le stress augmentent, le spectre de (re)vivre la rue vient exacerber des problématiques de santé mentale. C’est sans compter que l’accessibilité, déjà compliquée, pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre ou des services alternatifs en santé mentale est grandement compromise en tant de coronavirus.

Peu importe de quelle façon sont perçues les mesures adoptées pour atténuer la crise sanitaire, les jeunes qui sont en hébergement ont souvent peu d’options pour se loger. C’est d’autant plus vrai depuis que la COVID-19 règne au Québec.Choisir entre la rue, un climat familiale délétère, l’alternance perpétuelle du couch surfing ou une Auberge du cœur n’est pas un choix simple en temps « normal ». Imaginons en temps de pandémie, alors que toute personne n’étant pas confinée depuis au moins deux semaines devient synonyme de risque et de suspicion. Une étiquette de plus qui vient parfois s’ajouter à une liste déjà remplie.

Puis,il y a ces centaines de jeunes qui ont un soutien et de l’accompagnement après avoir quitté l’Auberge. Ces jeunes sont dans des appartements supervisés, des logements sociaux, en colocation dans des logements privés et arrivent à joindre les deux bouts grâce à une bonne dose d’ingéniosité et la présence de nombreux organismes communautaires qui offrent une aide alimentaire, du soutien matériel, un soutien moral. Pour ces jeunes qui (ré)apprennent l’autonomie,l’équilibre peut être fragile, particulièrement lorsque les ressources qui leur assurent une stabilité ferment leurs services.

Tout est à risque de se désorganiser, de revenir au point de départ et de vivre ce moment comme un échec, de plus ou de trop. Une intervenante témoigne : « On ressent une détresse psychologique, humaine. Ils sont toujours aussi seuls […] avec peu de moyens ou de ressources. [Elles] sont à peu près toutes fermées. C’est épeurant parce que le plus fragiles sont encore plus fragilisés ».

Certes,pour le gouvernement les urgences sont partout et il doit parer au plus pressant, mais nous en sortirons bien un jour de cette crise. Le Québec aura alors besoin que tous et toutes mettent l’épaule à la roue, ce qui est aussi vrai pour ces jeunes. Nous n’avons pas les moyens de les laisser tomber ou de pelleter par en avant de nouveaux problèmes. Ces jeunes méritent qu’on leur donne tout le soutien dont ils et elles ont besoin afin d’exercer leur citoyenneté et participer pleinement dans leur communauté. Nous nous devons ça,collectivement.

 

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec représente une trentaine de maisons d’hébergement communautaires pour jeunes en difficulté et sans abri ou à risque de le devenir réparties dans dix régions du Québec. Les Auberges du cœur hébergent et soutiennent chaque année 3500 jeunes âgé.e.s entre 12 et 35 ans et doivent en refuser autant, généralement faute de places. Ces chiffres ne reflètent qu’une partie des besoins des jeunes itinérant.e.s ou à risque de le devenir pour le type d’hébergement et de soutien que nous offrons considérant les territoires où de telles ressources sont inexistantes. Au total, les Auberges du cœur offrent plus de 300 lits en maison d’hébergement et plus de 150 autres places en appartements supervisés ou logements sociaux.

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