Montréal, le 11 mai 2020 - Le partenariat EDJeP dirigé par la Chaire de recherche du Canada sur l’évaluation des actions publiques à l’égard des jeunes et des populations vulnérables (CREVAJ) de l’École Nationale d’Administration Publique (ENAP) rend publics les nouveaux résultats de sa grande étude longitudinale sur le devenir des jeunes placé(es) au Québec.
Les nouveaux résultats de l’étude EDJeP montrent que les mesures rendues nécessaires pour lutter contre la pandémie de Covid-19 affectent directement des sphères déterminantes de la transition à la vie adulte des jeunes placés et qu’elles affecteront la capacité des jeunes à vivre une transition réussie vers l’autonomie adulte. La situation de pandémie rend plus difficile l’accès au logement, augmente considérablement les risques liés aux problèmes de santé mentale chez les populations déjà vulnérabilisées, restreint la poursuite des études, complexifie l’accès à l’emploi et risque de forcer plusieurs jeunes à se placer dans des situations susceptibles de mener à une surjudiciarisation inutile.
Notamment, alors qu’environ 2000 jeunes quittent chaque année un placement prolongé en milieu substitut parce qu’ils atteignent ou s’approchent de la majorité, les résultats d’EDJeP montrent que c’est environ 1180 qui devraient sortir de placement cette année entre les mois de mars et août. Parmi eux, nous savons que, sans crise pandémique, environ 20% connaîtraient au moins un épisode d’itinérance et plus de 30% de l’instabilité résidentielle. La crise actuelle ne peut qu’aggraver cette situation dans un contexte où l’accès au logement est rendu plus difficile et où nos données montrent que les premiers emplois touchés par la crise sont précisément ceux qu’occupent les jeunes. Dans le contexte de la pandémie, considérant que les institutions et les organismes sont affectées par le confinement, c’est aussi l’accès aux services sociaux et de santé mentale des jeunes qui est un enjeu, les données EDJeP montrant qu’à 19 ans, 36 % des jeunes d’EDJeP indiquent connaitre des difficultés liées à la santé mentale lorsqu’ils sont en situation de stabilité résidentielle, c’est 50% chez les jeunes ayant vécu au moins un épisode d’itinérance. Finalement, nos données démontrent aussi que ce cumul de vulnérabilités accroit la probabilité des jeunes d’être judiciarisés: les jeunes en situation de stabilité résidentielle ont une probabilité de 24% d’avoir été arrêtés par la police dans les 12 derniers mois, cette probabilité atteint 45% chez les jeunes ayant connu au moins un épisode d’itinérance.
De nombreuses provinces canadiennes ont adopté des moratoires visant à éviter le bris de services pour les jeunes en situation de placement et éviter qu’ils soient forcés de quitter leur milieu de vie durant la pandémie. Si certaines dispositions actuelles de la loi permettent aux intervenants de proposer la poursuite des services après la majorité, pour Martin Goyette, chercheur principal de l’étude : « La situation de crise actuelle devrait mener à l’adoption rapide de mesures visant à éviter aux jeunes en situation de placement de devoir quitter précipitamment leur milieu de vie. Nos données d’EDJeP sont claires : l’absence de rupture brutale de services à la majorité légale, par un accompagnement maintenu, est un puissant facteur de protection dans le cheminement vers la vie adulte autonome en soutenant la transition plutôt qu’en l’imposant.» Nos équipes de recherche travailleront dans les prochaines semaines à documenter l’effet du confinement sur les jeunes et la pratiques des intervenants jeunesse.
Pour entrevue et informations :
Martin Goyette : 514 347-9126 Martin.goyette@enap.ca