Publications

Mémoire - Projet de loi sur la nomination d'un commissaire au bien-être et aux droits des enfants

Les Auberges du cœur sont des maisons d’hébergement jeunesse communautaires qui accueillent et soutiennent des jeunes de 12 à 35 ans vivant des difficultés ou en situation d’itinérance. Elles sont des lieux d’affiliation, d’exercice de la citoyenneté et d’éducation populaire. Ouvertes 24 heures par jour, 7 jours par semaine, les Auberges du cœur offrent le gîte et le couvert, un milieu stable et une écoute active, un soutien et un accompagnement. Chaque année, ce sont plus de 3 500 jeunes qui sont hébergé·e·s et accompagné·e·s en post-hébergement. Cela représente près de 350 lits offerts, 100 000 nuitées annuellement et plus de 150 places en appartements supervisés et en logements sociaux. C’est aussi près de 500 travailleuses et travailleurs qui gravitent autour de ces jeunes. La première maison d’hébergement jeunesse a été fondée dans les années 1970 afin de répondre à la réalité de l’itinérance des jeunes.

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ), une organisation créée en 1987 qui joue un rôle crucial en tant que trait d'union entre les 32 Auberges du cœur membres. Notre regroupement est animé par quatre objectifs principaux qui guident nos actions et notre engagement envers les jeunes vivant des difficultés et en situation d’itinérance.

Tout d'abord, nous nous engageons à défendre l'existence et l'autonomie des ressources communautaires d'hébergement pour les jeunes adolescent·e·s et les jeunes adultes qui se trouvent dans des situations précaires. Nous croyons fermement que chaque jeune mérite d'avoir un toit, de la sécurité et de l'accompagnement pour surmonter ses difficultés et bâtir un avenir meilleur.

Ensuite, le RACQ agit comme porte-parole des jeunes en situation d’itinérance auprès des instances politiques et administratives. Nous nous efforçons de faire entendre leur voix et de défendre leurs droits en plaidant pour des politiques et des mesures qui tiennent compte de leurs réalités et de leurs besoins spécifiques.

Un autre aspect central de notre mission est de favoriser les échanges entre les maisons, les jeunes et les partenaires des communautés d'appartenance de chaque Auberge du cœur. Nous encourageons ces échanges afin de mieux comprendre les besoins des jeunes, d'améliorer le fonctionnement des Auberges du cœur, de renforcer les projets collectifs et de mettre en pratique des méthodes d'intervention qui offrent un soutien optimal à ces jeunes en quête de reconnaissance et d'un espace social propice à leur épanouissement.

Enfin, nous avons à cœur de promouvoir le développement de ressources additionnelles du même type. Nous encourageons la création de nouvelles initiatives d'hébergement et de soutien adaptées aux besoins des jeunes vivant des difficultés et en situation d’itinérance afin d'élargir l'accès à ces ressources cruciales et de répondre à la demande croissante.

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec est fier de son engagement envers les jeunes et de son rôle dans la construction d'une société plus juste et inclusive. Nous continuerons à travailler avec détermination pour offrir aux jeunes vivant des difficultés les moyens de surmonter leurs obstacles, de retrouver leur dignité et de construire un avenir prometteur.

Un commissaire au bien-être et aux droits des enfants

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) salue la volonté du gouvernement de répondre favorablement à la recommandation phare de la commission Laurent pour le bien-être et le droit des enfants. En effet, la plaidoirie de la Commission Laurent a démontré la nécessité d’un virage en prévention. Cependant, nous avons relevé certaines préoccupations, notamment au niveau de l’encadrement et de l’application de la loi.

Les Auberges du cœur sont, depuis de nombreuses années, des témoins privilégiées du parcours de nombreux et nombreuses jeunes susceptibles d’être pris·es en charge par les services de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de même que ceux et celles ayant un vécu à travers ses services. Du fait de leur mission et leurs actions, les Auberges travaillent autant en amont qu’en aval d’une prise en charge institutionnelle des jeunes qui frappent à leurs portes.

C’est pour cette raison, entre autres, que le RACQ s’engage à déposer un mémoire sur le projet de loi no 37 : « Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants ». Notre expérience montre surtout que, pour le plus grand nombre, les jeunes visé·e·s par ce projet de loi sont le produit des trous du système créés par des politiques gouvernementales qui ne couvrent pas les besoins des jeunes de manière holistique.

Article 5 alinéa 1

« mettre en place des moyens pour recueillir les préoccupations et les opinions des enfants, entre autres en ce qui a trait aux enjeux de société; »

Nous soutenons pleinement l'idée que les préoccupations et opinions des enfants doivent être entendues, en particulier en ce qui concerne les enjeux de société qui les touchent. L'inclusion des jeunes dans le processus décisionnel est une démarche cruciale pour construire une société qui prend en compte les perspectives variées de ses citoyen·ne·s, même les plus jeunes.

Cependant, nous souhaitons exprimer une inquiétude constructive concernant la mise en œuvre de cet exercice. Il est positif que le projet de loi souligne la nécessité de recueillir les avis des enfants, mais il est impératif de garantir une collaboration effective avec les nombreuses initiatives jeunesse déjà en place. Par exemple, la Grande Consultation Jeunesse1, organisée annuellement par la Coalition Interjeunes, est un exemple notoire d'une telle initiative qui donne une plateforme aux jeunes pour exprimer leurs préoccupations et leurs pistes de solutions.

Nous nous interrogeons également sur la portée de cette consultation. Il serait essentiel de clarifier si le Commissaire prévoit collaborer avec les organismes jeunesse déjà établis et comment il compte assurer la représentativité des jeunes de tous les milieux. Il est crucial que cette démarche soit inclusive et englobe une diversité de voix et de perspectives pour être réellement représentative.

Article 5 alinéa 5

« soutenir les enfants dans l’exercice de leurs droits en les dirigeant vers les ressources appropriées et en les accompagnant lorsque nécessaire dans leurs démarches; »

Cet alinéa de l’article 5 accorde au commissaire la responsabilité de soutenir les enfants dans l'exercice de leurs droits en les dirigeant vers les ressources appropriées. Cela représente une démarche louable vers l'autonomisation des jeunes. Cependant, des préoccupations légitimes émergent, surtout à la lumière des commentaires du cabinet ministériel et de la réalité du terrain.

Le RACQ souhaite souligner son inquiétude quant à la déclaration selon laquelle le commissaire ne s'occupera pas des dossiers individuels, mais orientera les jeunes vers les ressources appropriées. La question qui se pose est de savoir si le commissaire dispose d'une connaissance exhaustive de toutes les ressources disponibles. Il est crucial de garantir que les jeunes soient dirigé·e·s vers des solutions réellement appropriées à leurs besoins spécifiques.

Une préoccupation majeure réside dans la complexité et la difficulté d'accès aux services. Le simple renvoi vers une ressource ne garantit pas automatiquement que le ou la jeune pourra accéder à l'aide dont il ou elle a besoin.

On s'interroge sur la manière dont le commissaire envisage de mettre en œuvre concrètement ce processus de redirection vers des ressources. Va-t-il collaborer avec les acteurs du terrain, notamment les organismes communautaires jeunesse, pour garantir une compréhension approfondie des services disponibles et des défis spécifiques auxquels les jeunes pourraient être confrontés ?

Article 5 alinéa 9

« lorsqu’il le juge nécessaire ou sur demande de l’Assemblée nationale, du gouvernement ou de tout ministre, leur fournir les avis et les recommandations qu’il estime appropriés sur toute question concernant une matière relevant de ses fonctions. »

Un aspect particulièrement positif est l'inclusion des jeunes adultes dans le champ d'action du commissaire. Cela reconnaît la nécessité de continuer à soutenir tous les jeunes.

La définition des termes tels que « enfant » et « jeune adulte » établit des balises importantes pour l'application de la loi, garantissant une compréhension uniforme et cohérente de ces catégories.

Cependant, une attention particulière doit être portée à la définition du « jeune adulte » telle que stipulée dans le paragraphe. Le projet de loi définit comme « jeune adulte » une personne âgée d'au moins 18 ans et d'au plus 25 ans, dont la situation a déjà été prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse ou qui a déjà fait l'objet d'une mesure de garde ou de surveillance en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LJPA).

Cette définition soulève des préoccupations légitimes concernant l'inclusion de tou·te·s les jeunes. En effet, le critère de ceux et celles qui ont déjà fait l'objet d'une mesure de garde ou de surveillance en vertu de la LPJA pourrait exclure certain·e·s jeunes dont le signalement n'a pas été retenu, malgré des situations qui pourraient justifier une intervention. Cette exclusion potentielle pose des interrogations sur l'équité du traitement des jeunes par le commissaire, car tou·te·s les jeunes, qu'ils ou elles aient ou non fait l'objet d'une mesure de garde, méritent une considération équitable et un accès aux ressources nécessaires.

Nos recommandations

Une révision de la définition du « jeune adulte »

Il est important que le texte législatif soit révisé afin de garantir que la définition de « jeune adulte » inclut tou·te·s les jeunes qui pourraient bénéficier du soutien du commissaire, indépendamment du fait qu'ils ou elles aient ou non fait l'objet d'une mesure de garde.

Clarté et précision dans la reconnaissance de la voix des jeunes

Nous appelons à une mise en oeuvre transparente, inclusive et collaborative, garantissant que cette initiative renforce et s'harmonise avec les efforts déjà entrepris par les organismes jeunesse existants et implique tou·te·s les jeunes.

Encouragement de l'expertise communautaire

Dans un souci d'efficacité et d'impact positif réel pour les jeunes, il est essentiel que le commissaire collabore étroitement avec les acteurs et actrices du secteur jeunesse, les consulte activement et se réfère à leur expertise. Cette approche collaborative garantirait une meilleure adéquation entre les ressources suggérées et les besoins réels des jeunes.

Conclusion

Les recommandations formulées visent à renforcer ce projet de loi, à garantir la clarté des pouvoirs du commissaire. Ces mesures contribueront à assurer que le commissaire agisse dans le respect des droits de l'enfant et avec une sensibilité accrue envers les réalités vécues par les jeunes.

Nous encourageons à prendre en considération ces recommandations pour enrichir le projet de loi, lui conférant ainsi une portée plus large, plus transparente et plus inclusive.

Télécharger en version PDF