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Avis prébudgétaire 2024 - On manque de tout, sauf de coeur!

MISE EN CONTEXTE

Alors que le Québec fait toujours face à une pénurie de main-d'œuvre, aux conséquences de l’importante inflation et à une crise du logement abordable entraînant des répercussions sur l’itinérance, les Auberges du cœur, qui jouent un rôle essentiel dans la prévention et la lutte contre l'itinérance et la pauvreté chez les jeunes, se trouvent dans une situation critique, épuisées tant sur le plan financier que de leurs ressources pour accomplir pleinement leur mission. Cette dernière devient de plus en plus exigeante au fil des années.

Il est impératif d'obtenir un financement à la mission digne des nombreux besoins des maisons d’hébergement jeunesse communautaires afin de pouvoir accompagner les jeunes, qui recherchent du soutien et de l’accompagnement au sein de nos organisations, en tenant compte de leurs besoins, de leurs défis et de leurs difficultés. L’écart entre le financement des maisons d'hébergement communautaire pour jeunes et celui de nos partenaires travaillant avec des ressources pour femmes reste significativement grand. Cet écart se manifeste par des interruptions de services, telles que la fermeture de lits ou de programmes d'intervention complets, ou encore par l'incapacité à répondre aux demandes d'aide grandissantes en raison du manque d'employé·e·s au sein de nos organisations.

NOS RECOMMANDATIONS

Dans le cadre des consultations prébudgétaires, le Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) souhaite faire entendre ses recommandations dans l’objectif d’améliorer les conditions de vie des jeunes accueilli·e·s par ses membres.

Nous croyons fermement en l’importance d’un réseau d’organismes communautaires autonomes adéquatement soutenu par l’État afin qu’il puisse jouer son rôle social.

Le RACQ recommande donc :

1- De procéder à un rattrapage immédiat et urgent dans le financement à la mission des Auberges du cœur et des maisons d’hébergement jeunesse communautaires du Québec. Ce rattrapage s’élève à 27M$ par année uniquement pour les Auberges du cœur.

2- Dérégionaliser le montant de 800 000$ par année destiné aux études de faisabilité pour l’implantation de ressources d’hébergement jeunesse communautaires inclus dans l’annonce du budget provincial de mars 2022 (section G, point 2.2.3 - 25,0 millions de dollars pour rehausser le financement des ressources d’hébergement communautaire pour les jeunes en difficulté).

3- D’investir 1,7 milliards supplémentaires dans le financement à la mission globale des organismes communautaires autonomes en Santé et Services sociaux afin de favoriser le respect de leur autonomie et de renforcer leur capacité d’agir.

4- D’indexer annuellement les subventions à la mission globale de tous les organismes d’ACA selon la hausse des coûts de fonctionnement.

5- D’investir massivement dans les services publics et les programmes sociaux afin de réduire les inégalités socioéconomiques et d’améliorer l’accès, sans discrimination, à des services publics universels, gratuits et de qualité.

6- D’augmenter immédiatement l’accès au logement abordable, avec ou sans soutien communautaire, pour les populations marginalisées et les foyers à faible revenu.

LA CONSOLIDATION DES AUBERGES DU COEUR DU QUÉBEC

Les Auberges du cœur font partie intégrante du filet social québécois, aux côtés des services publics et des programmes sociaux. Chaque année, elles accueillent et soutiennent plus de 3 500 jeunes à travers près de 380 places en hébergement, plus de 190 autres places en appartements supervisés ou en logements sociaux, ainsi que des suivis post-hébergement[1]. Près de 500 travailleur·euse·s contribuent à ce soutien. Malgré cela, elles sont contraintes de refuser presque autant de demandes, principalement en raison du manque de places, de personnel et de financement.

Ces chiffres ne reflètent qu'une fraction des besoins des jeunes pour le type d'hébergement et de soutien que nous offrons, considérant les régions dépourvues de telles ressources.

Une part cruciale de la mission des Auberges du cœur consiste à accompagner et soutenir les jeunes de 12 à 35 ans, confronté·e·s à l'itinérance ou faisant face à des difficultés, dans le développement de leur autonomie, facilitant ainsi une transition vers la vie adulte moins difficile. Au fil des années, elles ont gagné une reconnaissance significative dans divers milieux, qu'ils soient communautaires, institutionnels ou universitaires. Malgré cette reconnaissance, la précarité financière les confronte à des dilemmes déchirants, tels que la fermeture temporaire de lits, des refus d'hébergement pour les jeunes et la perte de personnel qualifié, souvent attiré par le réseau de la Santé et des Services sociaux. Ils et elles quittent en raison de l'instabilité des horaires, des salaires peu élevés, et des conditions de travail moins avantageuses que dans d'autres milieux d'intervention offrant un hébergement 24/7. En conséquence, les employé·e·s des maisons d'hébergement jeunesse communautaires se retrouvent en situation de précarité.

La question des conditions de travail des employé·e·s est centrale dans la consolidation des activités des maisons d’hébergement jeunesse communautaires. Les salaires que perçoivent les intervenant·e·s des Auberges du cœur avoisinent le 19$ par heure, certaines ressources peinant même à atteindre ce seuil. Cette somme s’est éloignée davantage de l’échelon de base du réseau de la Santé et des Services sociaux depuis les dernières négociations du secteur public et de la prochaine réforme du réseau de la Santé.

Radio-Canada[2] publiait le 10 janvier dernier un article faisant état de hausses salariales de 17,4% sur 5 ans, obtenues par le Front commun, en plus d’une bonification de 15% pour les employé·e·s qui travaillent à temps plein en soins critiques. Nul besoin de dire que les intervenant·e·s des Auberges du cœur font régulièrement face à des situations de crises et qu’iels doivent composer avec des groupes de jeunes en étant parfois seul·e sur le plancher d’intervention. En comparaison avec les agents d’intervention de la DPJ, un secteur similaire en termes de population accueillie, leur salaire de 26$ l’heure passera désormais à 35$ l’heure. Qui plus est, l’article mentionne des primes aux quarts de travail défavorables pour les syndiqué·e·s de la FSSS-CSN allant de 7% à 10% pour le soir et de 14% à 18% pour la nuit.

Ces disparités salariales entravent non seulement le recrutement, mais aussi la rétention du personnel expérimenté. Elles provoquent des départs vers le réseau de la Santé ou d'autres ressources d'hébergement, compromettant ainsi la capacité des Auberges du cœur à mener à bien leur mission. Pourtant, elles demeurent sous-financées depuis des années par rapport à leurs besoins.

Avec les difficultés d’accès à des soins en santé mentale qui exacerbent des situations déjà précaires et causent une surcharge de travail notable sur les équipes d’intervention des maisons d’hébergement jeunesse communautaires, la pression est forte pour assurer un séjour qui donnera des résultats positifs plutôt qu’accroître une détresse psychologique déjà importante chez les jeunes. Chez plusieurs de nos membres, les quarts de travail des intervenant·e·s ne peuvent être doublés. Lorsqu’une situation de crise se présente (pensons à une psychose ou une crise suicidaire), la personne en poste doit d’une part porter toute son attention vers le ou la jeune en crise, tout en assurant la sécurité et la cohésion du groupe. L’impact est donc significatif sur les jeunes, mais aussi sur les équipes d’intervention qui sont dans des situations prolongées de stress important.

Face à la lourdeur des cas que les Auberges du coeur accueillent, elles ont besoin de moyens importants afin de permettre aux intervenant·e·s d’expérience de travailler dans des conditions qui leur permettent à la fois de rester en poste dans l’organisme, mais aussi de mettre en pratiques des suivis et des activités optimales permettant aux jeunes hébergé·e·s de s’accomplir. Nul besoin de mentionner que l’apprentissage et la participation citoyenne des jeunes sont une richesse inestimable à l’ensemble de notre société.

ÉCART ENTRE UNE AUBERGE DU COEUR ET UNE MAISON POUR FEMME VICTIME DE VIOLENCE

Nous avons comparé le financement accordé à deux maisons d’hébergement communautaire constitué la même année (1983) dans le même quartier de Montréal (Hochelaga-Maisonneuve) et qui ont toutes deux une capacité d’accueil de 15 lits.

Pour l’exercice financier 2022-2023, le financement accordé à la mission d'une maison pour femme victime de violence était de 1 466 806$, tandis que celui pour une Auberge du cœur était de 618 028$.

LE SOUS-FINANCEMENT ET SES IMPACTS

Sous-financées depuis des années par rapport à leurs besoins, les Auberges du cœur enregistrent un manque à gagner de 27 millions de dollars annuellement pour atteindre une certaine équité par rapport à d'autres types de ressources d'hébergement, malgré des coûts opérationnels similaires tels que l'électricité, l'épicerie et l'entretien des bâtiments.

Les impacts du sous-financement sur les équipes de travail des Auberges du cœur sont nombreux, ce qui mène souvent les ressources à réduire des services, voir même fermer des lits temporairement :

  • haut taux de roulement du personnel en raison des conditions de travail non compétitives,
  • manque de budget pour l’embauche de personnel supplémentaire alors que chaque Auberge a en moyenne 3 postes à combler,
  • plus de 25 % des travailleurs et travailleuses ont eu recours à un congé maladie de plus d’une semaine au cours des dernières années,
  • la majorité des travailleurs et travailleuses ont eu recours à des congés de maladie (1 à 5 jours) pour stress, anxiété et surcharge de travail, souvent dus au taux d’absentéisme élevé de leurs collègues, 
  • plus de la moitié des travailleurs et travailleuses ont épuisé leur banque de congés de maladie en près de quatre mois, 
  • les travailleurs et travailleuses ayant épuisé leur banque de congés de maladie doivent souvent piger dans leurs vacances annuelles pour s’absenter, 
  • la majorité des travailleurs et travailleuses ayant droit à un PAE (programme d’aide aux employé·e·s) y ont eu recours.

Par ailleurs, le manque de financement contraint les maisons d'hébergement communautaire pour jeunes à consacrer plus de temps et d'énergie à la collecte de fonds et la reddition de compte pour boucler leur année financière. Nous estimons que pour les membres du Regroupement des Auberges du cœur du Québec, c’est plus de 13 000 heures par années qui y sont consacrées. C’est donc plus de 13 000 heures de moins en accompagnement et soutien direct aux jeunes.

De plus, ces collectes, ne permettant pas de prévisibilité à long terme, ont deux effets néfastes :

  • détourner des ressources des objectifs fondamentaux des organismes,
  • entraver le développement innovant et durable de volets d'intervention, de soutien et d'accompagnement direct pour les jeunes.

Pour que les Auberges du cœur puissent faire ce qu’elles font le mieux, soit accompagner et soutenir les jeunes, elles réclament 27M$ additionnels à leur financement de base. Voici comment cette somme permettrait à ces ressources[3] essentielles d’opérer de manière optimale sachant qu’une grande majorité de ces postes budgétaires sont essentiels à leur bon fonctionnement. Par ailleurs, il ne serait pas possible pour les ressources d’assumer toutes ces dépenses s’il n’y avait pas d’autres sources de revenus.

Embauche d’intervenant·e·s supplémentaires : 8 854 008$

Embauche et maintien d’intervenant·e·s au suivi post-hébergement : 2 951 336$

Rattrapage salariale, postes de soutien et formations : 7 000 000$

Alimentation (épicerie) : 2 448 000$

Entretien (immeubles et mobilier) : 3 593 000$

Frais d’opération (électricité, assurances, audits, etc.) : 1 530 000$

Autres dépenses (activités avec les jeunes, déneigement, etc.) : 624 240$

TOTAL : 27 000 584$

Nous souhaitons aussi faire ressortir que les activités avec les jeunes sont directement impactées par les conséquences du sous-financement chronique que vivent les maisons d’hébergement jeunesse communautaires. Les difficultés rencontrées dans le recrutement et la rétention du personnel, en grande partie dû aux conditions de travail défavorables vis-à-vis d’autres ressources et à la pénurie de main d’œuvre, font en sorte qu’il est parfois impossible d’accompagner des jeunes pour une activité tout en maintenant une présence à l’Auberge du cœur pour recevoir des appels et des jeunes.

DÉVELOPPEMENT DES MAISONS D'HÉBERGEMENT JEUNESSE COMMUNAUTAIRES

Puisque les Auberges du cœur sont présentes dans 10 régions administratives au Québec, et bien que d’autres ressources d’hébergement communautaire pour les jeunes existent dans la province, plusieurs territoires ont des besoins pour ce type d’organisme communautaire. La jeune histoire de l’Auberge du cœur la Maison L’Ancrage Pierre-de Saurel, en Montérégie, est un exemple frappent des difficultés qui attendent les organisations qui souhaitent offrir aux jeunes de leurs région de l’hébergement et de l’accompagnement. Cette ressource est née de l’initiative de la communauté à la suite du constat que les jeunes de la région n’avaient pas un accès facile à ces services alors que les besoins sont importants.

Lors de leur année d’éligibilité au Programme de soutien des organismes communautaires (PSOC), la ressource a obtenu un montant de 120 000$ en financement à la mission. C’est-à-dire un montant de base de 27 000$ puis un rehaussement de 93 000$. Or, pour une ressource de 6 lits en opération 24/7, cette somme ne permet qu’un maintien des activités pour quelques mois, tout au plus.

Au même moment, nous apprenions que le montant réservé aux études de faisabilité d’implantation de ressources d’hébergement communautaire pour jeunes vivant des difficultés est régionalisé et qu’il est remis au Fond consolidé de l’État lorsqu’il n’est pas dépensé. Ce montant aurait pu être utilisé, en partie, à assurer une viabilité pour l’organisme naissant s’il n’était pas retourné au Fond consolidé et qu’il permette un réel développement de ressources venant en aide aux jeunes qui en ont besoin.

De plus, le RACQ, en tant que leader provincial de l’hébergement communautaire jeunesse, pourrait assurer une stratégie de développement de ressources de type Auberge du cœur en ayant accès à un financement pour soutenir et alimenter les groupes de base qui souhaitent permettre aux jeunes l’accès à ce genre de soutien et d’accompagnement.

De plus, en fonction de ne pas placer de futures maisons d’hébergement jeunesse communautaires en précarité, nous voudrions voir un réel plan de développement de l’accompagnement communautaire des jeunes vivant des difficultés et en situation d’itinérance. Pour ce faire, qu’un montant de 350 000$ leur soit consentit lors de la première année d’opération de l’organisme (puisqu’il ne peut déposer de demande au PSOC avant une année complète d’opération) et qu’un plancher de 500 000$ soit accordé à ce type de ressource lors de leur admission au PSOC.

UN REHAUSSEMENT GLOBAL DU FINANCEMENT DES ORGANISMES COMMUNAUTAIRES EN SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

Depuis 2017, la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) est engagée dans sa campagne CA$$$H! pour l’amélioration financière et structurelle de plus de 3 000 organismes communautaires autonomes du domaine de la Santé et des Services sociaux (OCASSS). Le RACQ, en tant que membre de la TRPOCB appui les revendications suivantes :

Ces trois revendications sont liées par un même objectif : assurer le respect du droit à la santé à toute la population en soutenant convenablement les OCASSS pour qu’ils réalisent pleinement la mission attendue par leurs communautés. La définition produite par la Ligue des droits et libertés situe bien le rôle de l’État à l’égard du droit à la santé :

« Le droit à la santé oblige l’État à tout mettre en œuvre pour en assurer la réalisation. Il requiert également une participation démocratique des populations et des mouvements sociaux dans les décisions les concernant en matière de santé et de services sociaux.

Le droit à la santé réfère au meilleur état de santé physique, mental et social qu’il est possible pour toute personne d’atteindre. Le droit à la santé ne se limite pas aux soins de santé ; il englobe les éléments – les déterminants sociaux – qui influent sur l’environnement d’un être humain tout au long de sa vie. Ainsi, il inclut les facteurs socioéconomiques (revenu, logement, travail, race, genre, etc.) qui ont un impact sur la santé des individus et des communautés.

Les gouvernements québécois et canadien ont reconnu cette définition large du droit à la santé notamment en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce qui implique qu’ils ont pour responsabilité de respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à la santé et de s’assurer que ce droit soit exercé sans discrimination aucune, notamment fondée sur la race, l’origine sociale et la fortune. Le Pacte exige également que nos gouvernements agissent au maximum des ressources disponibles pour déployer des politiques publiques prévenant et redressant les inégalités sociales et économiques qui impactent le droit à la santé.

Lorsqu’il s’agit de déterminer l’ensemble des biens et services sociaux et de santé requis, l’État doit mettre en place un processus décisionnel offrant la garantie que les choix seront faits de manière juste, inclusive et équitable. »[4]

Ainsi, les 3000 OCASSS contribuent spécifiquement à la réalisation du droit à la santé, en agissant notamment au niveau de la prévention, par de l’écoute et du soutien varié et par la défense des droits liés aux conditions de santé. En ne les soutenant pas de façon suffisante ni de manière équitable, l’État ne répond pas convenablement à son obligation de réaliser le droit à la santé et au bien-être en toute égalité, partout sur son territoire.

Lever les principaux obstacles à la réalisation du droit à la santé nécessite donc d’investir massivement dans les services sociaux, en particulier en augmentant le budget dédié au financement à la mission globale du PSOC, de même qu’en reconnaissant les besoins des OCASSS en matière de seuils planchers et en empêchant leur appauvrissement par l’indexation annuelle de leur subvention selon une méthode adaptée à leur situation.

LE CARACTÈRE ESSENTIEL DU FINANCEMENT À LA MISSION

Si les organismes d’ACA ont été en mesure de jouer un rôle clé pendant et à la suite de la crise sanitaire, c’est grâce à leur autonomie face aux orientations gouvernementales qui leur permet d’avoir une grande capacité de résilience et d’adaptation. Cette autonomie est directement liée au type de financement, à la mission globale, qui leur permet d’avoir le plein contrôle sur les décisions, orientations et actions de leur organisme et leur donne le pouvoir d’agir rapidement et efficacement afin de répondre aux besoins des populations qu’ils rejoignent.

Le caractère essentiel du financement à la mission devient d’autant plus important dans le contexte actuel de crise (inflation importante, crise du logement abordable, détresse psychosociale, etc.) où le milieu communautaire doit faire face à une recrudescence des besoins et que la tendance semble se maintenir à moyen et à long terme. Cette crise plonge des dizaines de milliers de personnes dans des situations précaires. C’est pourquoi il nous apparait crucial de renforcer, dès maintenant, la capacité d’agir des organismes communautaires autonomes qui sont en première ligne pour soutenir les populations vivant diverses formes de difficultés, particulièrement chez les jeunes dont l’avenir semble se refermer plutôt que s’ouvrir sur le champ des possibles.

L'OFFRE DE LOGEMENTS ABORDABLES POUR LES JEUNES

Nous notons depuis plusieurs années que les enjeux de pauvreté, de santé mentale et de désaffiliation sociale s’alourdissent chez les jeunes qui fréquentent les Auberges du coeur. Ajoutés au manque criant de logements abordables, cela compromet souvent la sortie des jeunes des Auberges. Conséquemment, les jeunes sont précipité·e·s dans une détresse financière tout en craignant un retour à l’itinérance (cachée ou visible), car ils et elles ont dû se résigner à accepter des logements beaucoup trop chers pour leur capacité financière. Puisqu’ils et elles ne sont tout simplement pas en mesure de se trouver une place où vivre, leur solution se résume malheureusement à prolonger leur séjour au maximum, puis à passer d’une maison d’hébergement à une autre, malgré un niveau d’autonomie adéquat pour la vie en appartement. Ces situations les placent ainsi dans une roue de pauvreté sans fin.

Il est urgent d’offrir aux populations vulnérabilisées du logement social et abordable, en particulier pour les jeunes qui sont dans un élan d’autonomisation. Si ces logements sont assortis d’un soutien communautaire, nous savons par expérience que ces jeunes auront davantage de chance de réussir leur transition à la vie adulte tout conservant des liens d’affiliations envers les organismes qui les auront soutenu·e·s durant ce parcours.

L'ÉMERGENCE DU BESOIN DE RESSOURCES D'HÉBERGEMENT JEUNESSE : LE MODÈLE AUBERGE DU COEUR

Depuis de nombreuses années, le Regroupement des Auberges du cœur du Québec reçoit beaucoup de demandes d’informations du public pour connaître les démarches à suivre pour ouvrir une ressource d’hébergement jeunesse dans leur région. Le modèle « Auberge du cœur » est souvent retenu pour sa structure, son autonomie et ses approches d’intervention auprès des jeunes (volontariat, approche globale, réaffiliation sociale, développement du pouvoir d’agir, etc.). Nous accompagnons actuellement un groupe qui vient de fonder l’organisme L’Artère de l’Est à Pointe-aux-Trembles, dans l’Est de l’île de Montréal. Nous poursuivons l’accompagnement d’un groupe de la région de la Gaspésie qui souhaite développer une réponse aux enjeux que vivent les jeunes, notamment ce qui touche la prévention de l’itinérance et le soutien pour ceux et celles vivant des difficultés.

De plus, plusieurs régions du Québec n’ont tout simplement pas accès à des ressources en hébergement jeunesse communautaires, malgré des besoins de plus en plus criants. Bien que nous voyions des personnes se mobiliser afin de créer des réponses adaptées à leurs réalités régionales (un autre groupe de la région de la Gaspésie, un autre en Côte-Nord ainsi qu’à Otterburn Park nous ont récemment approchés), le frein commun aux initiatives reste la recherche de financement. La création et la survie de ressources ouvertes 24/7 en hébergement communautaire pour les jeunes, là où les besoins sont observés, sont intimement liées à l’obtention d’un financement à la mission adéquat et récurent.

UN FILET SOCIAL À RECONSTRUIRE

La crise sanitaire que nous avons vécue est venue mettre en exergue les conséquences du sous-financement des services publics et des programmes sociaux et a amplifié les inégalités sociales. À l’instar de la Coalition Main Rouge, nous demandons au gouvernement d’adopter certaines mesures fiscales[5] ou de couper dans quelques dépenses pour aller chercher un potentiel de 10 milliards $ en revenus supplémentaires, chaque année. Cela permettrait de faire face aux prochaines crises et de réinvestir suffisamment pour le renforcement essentiel du filet social québécois. Un filet constitué d’une multitude de groupes dont font partie les Auberges du cœur du Québec en tant qu’organismes communautaires autonomes jeunesse.

Bien que la pandémie soit passée, elle a laissé dans son sillage de lourdes conséquences. Nous avons maintenant le défi de redonner à la société québécoise ses lettres de noblesse en tant que meneuse de justice sociale. Pour y arriver, le filet social qui a longtemps fait office de fleuron du Québec doit absolument être renforcé et consolidé. Cet objectif ne saurait être atteint sans un milieu communautaire fort, autonome et reconnu dans son apport.

[1]Les pratiques en post-hébergement à accompagner des jeunes aux parcours instables, entourés d’incertitudes, après un ou plusieurs séjours en maison d’hébergement. Or, dans un contexte où la pérennité du financement de ces pratiques n’est pas garantie, d’importants risques de rupture et d’exclusion sociale existent pour les jeunes sans possibilité de poursuivre les interventions amorcées pendant ces séjours. Consultez l’article de recherche Le lien d’abord : les pratiques de « post-hébergement » des Auberges du cœur à l’adresse suivante : https://revueintervention.org/wp-content/uploads/2015/07/intervention_142_5_le-lien-d-abord.pdf [consulté le 30/01/2022] afin d’en connaître davantage.

[2] Radio-Canada, Des primes de 15% pour retenir des travailleurs de la santé et des services sociaux, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2040242/prime-travailleurs-sante-services-sociaux-reseau-entente-negociations-sectorielle-salaire [consulté le 27 janvier 2024]

[3] Le calcule est fait sur la base de 34 maisons d’hébergement puisque certaines Auberges du cœur ont 2 points de services en hébergement 24/7.

[4] Ligue des droits et libertés, Définition du droit à la santé, Pour bien se comprendre, voici une définition actualisée du droit à la santé, 19 décembre 2023.

[5] https://www.nonauxhausses.org/wp-content/uploads/10milliards_mai2020.pdf

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